De l’art de monologuer : une sémiotique de la subjectivité à l’ère numérique

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ANALYSE ACADEMIQUE
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Le monologue, tel que présenté dans le texte (et/ou l’image), ne saurait être réduit à une simple forme discursive solipsiste. Il constitue, au contraire, un espace privilégié d’émergence du sujet en tant qu’instance énonçante et énoncée, pris dans une dynamique de production sémiotique où le langage devient à la fois révélateur et opérateur de subjectivation. En s’inscrivant dans la tradition de l’écriture automatique surréaliste, le monologue suspend les régulations rationnelles du discours pour laisser affleurer un flux de signifiants affranchi des normes syntaxiques et des intentions communicatives. Le sujet s’efface en tant que source maîtrisante du sens pour devenir canal de circulation sémiotique, au service d’une textualité inconsciente.

Toutefois, cette textualité ne s’inscrit plus dans une clôture intérieure ou dans un espace de solitude scripturale. Elle se voit aujourd’hui prise dans un ensemble de dispositifs techniques – réseaux sociaux, architectures algorithmiques, plateformes de communication – qui transforment radicalement les conditions de production, de diffusion et de réception du discours. Le monologue, dès lors qu’il entre dans ces espaces médiés, subit une opération de codage secondaire : il est indexé, filtré, classé, reconfiguré selon des logiques computationnelles. L’espace numérique fonctionne ainsi comme un métachamp sémiotique, où les signes produits par le sujet sont réinscrits dans un régime de signification régulé par l’algorithme.

Dans ce contexte, l’acte de monologuer devient doublement réflexif : il s’agit pour le sujet non seulement de cartographier les mouvements internes de sa conscience – « je visualise le fonctionnement de mon esprit » – mais aussi de prendre en compte le processus même par lequel cette conscience, une fois exprimée, est restructurée, exposée et recontextualisée dans le champ symbolique numérique. Le sujet n’est plus seulement producteur de signes ; il devient également objet de signes, reflet sémiotisé de lui-même dans une économie de la visibilité.

Les balises que sont les hashtags (#presence_7, #exil_009, etc.) opèrent dès lors comme des opérateurs méta-sémiotiques. Ils jouent un rôle ambivalent : d’une part, ils signalent une volonté de positionnement identitaire et de résistance symbolique au sein du flux ; d’autre part, ils participent à la logique même de capture et d’indexation caractéristique des plateformes. En ce sens, ils illustrent la tension entre une subjectivité qui cherche à se dire et une infrastructure discursive qui la redéploie selon des logiques externes.

Ainsi, le monologue contemporain se constitue en tant qu’objet théorique majeur pour une sémiotique de la subjectivité numérique : il révèle l’ambiguïté fondamentale d’un « je » à la fois agent d’énonciation et effet d’un dispositif de médiation algorithmique. Il s’agit moins de penser la parole intérieure comme pure expression que de l’analyser comme surface d’inscription, soumise aux déterminations croisées du psychique, du symbolique et du technique.

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